L'Industrie à l'heure du développement durable
(Les EGIDES de la République)
Ecole, Justice, Industrie, Défense, Europe, Santé
La France connaît depuis plusieurs années un déclin sensible de son emploi industriel. Concurrence, délocalisations, automatisation… Les facteurs sont multiples. Mais l’émergence du développement durable et de ses impératifs pourrait bien changer la donne. Contrainte de s’adapter, l’industrie devra faire appel à de nouvelles compétences et pousser les anciennes à se renouveler, notamment par l’intermédiaire de la formation. Une véritable aubaine pour les stagiaires et les demandeurs d’emplois, qui trouveront là des postes à la hauteur de leurs ambitions.
Des métiers en pleine ébullition
De la conception au recyclage, en passant par la fabrication et la maintenance, toutes les étapes du processus industriel sont concernées par les enjeux du développement durable. Conséquence ? Les métiers doivent eux aussi s’adapter, quels que soient l’échelon et le niveau de formation. Les professionnels revoient donc leurs pratiques quotidiennes à l’aune des impératifs du développement durable.
Un enjeu territorial
En France, les collectivités territoriales sont guidées par une même conviction : le développement durable est une chance unique pour revivifier les filières industrielles souffrantes et stimuler l’emploi. Mais, si l’industrie est présente partout dans l’Hexagone, elle ne l’est pas de manière homogène. De la longue tradition sidérurgique du Nord-Pas-de-Calais à celle des entreprises textiles en région Rhône-Alpes, le profil et l’histoire des industries varient beaucoup d’une région à une autre. Les collectivités soutiennent donc activement, mais différemment, les initiatives en faveur du développement durable. Certaines apportent une aide financière aux projets les plus innovants ; d’autres insistent sur la formation aux métiers verts ; d’autres encore mettent en place des pôles de compétence pour stimuler l’entraide et l’émulation.
Comment les entreprises s’adaptent au développement durable
Pour répondre aux exigences du développement durable, les professionnels misent sur de nouvelles expertises ciblées sur l’analyse du cycle de vie, la veille réglementaire et l’efficacité énergétique. Ces nouveaux critères s’ajoutent à ceux, plus classiques, du coût, de la qualité et de la performance. Ils compliquent la mise au point des produits et décuplent les besoins de simulations et de tests. C’est donc à un véritable changement de posture que sont conviées les entreprises. Innovation, regroupement en pôles de compétitivité, aides de l’État, formations… Les moyens d’y parvenir sont nombreux.
L’impact du développement durable sur l’industrie
Consommation d’énergie et de matières premières, pollution, déchets de toutes sortes… L’impact de l’industrie sur l’environnement est bien connu. L’inverse l’est beaucoup moins. Pourtant, la prise en compte croissante du développement durable, portée par l’opinion et les pouvoirs publics, a des conséquences bien réelles sur l’économie. Elle pousse le secteur industriel à intégrer de nouvelles contraintes et à faire évoluer ses pratiques, à toutes les étapes du processus de production.
La révolution de l’« éco-conception »
Le développement durable concerne les entreprises industrielles dès la phase de conception. Afin de minimiser l’impact environnemental de la fabrication et de l’utilisation de leurs produits, les entreprises doivent intégrer de nouvelles contraintes dans leurs calculs : réduction de la quantité de matières premières nécessaires, lutte contre les pollutions, possibilité d’assurer un recyclage du produit en fin de vie, etc.
C’est ce que l’on appelle l’« éco-conception ». Ce mode de développement nécessite une coopération renforcée entre les différents acteurs de l’entreprise (chef de projet marketing avec le technicien méthodes, chercheur avec les ouvriers, etc.). Il est appelé à se développer très fortement dans les prochaines années, dans tous les secteurs de l’industrie.
Des conséquences vertueuses pour l’emploi
De plus, l’essor du développement durable est aussi synonyme de nouveaux marchés : domotique, énergies renouvelables, transports propres, etc. Avec, à la clé, encore la création de nombreux emplois. Les contraintes nouvelles qui pèsent sur l’industrie sont donc fortes, mais peuvent aussi être perçues comme une véritable opportunité.
L’une des solutions pour y remédier est de contraindre les industriels à adopter pour les biens de consommation des standards équivalents à ceux des biens d’équipement, qui sont conçus pour maximiser la durée de vie des produits et faciliter le remplacement des différentes pièces qui les composent. Autre option : le développement d’une économie de fonctionnalité, basée sur la mise à disposition des biens plutôt que sur leur vente (par exemple, services de location de vélos ou de voitures dans certaines villes). Les individus ne consomment ainsi plus que lorsqu’ils en ont réellement besoin.
La création de nouvelles filières va dans ce sens, comme l’illustre l’exemple de la chimie verte. Celle-ci transforme les matières premières renouvelables et non comestibles issues de l’agriculture pour donner naissance à des produits très variés, comme des matériaux composites ou des carburants. Les entreprises non spécialisées dans le recyclage ont également un rôle à jouer, en augmentant leur capacité de tri et en limitant leurs déchets. Pour cela, d’importants investissements doivent être réalisés en recherche et développement afin d’automatiser les processus, et dans la formation des salariés pour leur faire acquérir les bons réflexes.
Enjeux et objectifs du développement durable
« Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Rapport Brundtland
Le développement actuel étant consommateur de ressources non renouvelables et considéré par ces critiques comme très gourmand en ressources compte tenu de la priorité donnée aux objectifs patrimoniaux à courte vue, tels que la rentabilité des capitaux propres, voire inéquitable, une réflexion a été menée autour d'un nouveau mode de développement, appelé « développement durable ».
L'objectif du développement durable est de définir des schémas viables qui concilient les trois aspects écologique, social et économique des activités humaines : « trois piliers » à prendre en compte par les collectivités comme par les entreprises et les individus. La finalité du développement durable est de trouver un équilibre cohérent et viable à long terme entre ces trois enjeux. À ces trois piliers s'ajoute un enjeu transversal indispensable à la définition et à la mise en œuvre de politiques et d'actions relatives au développement durable : la gouvernance.
La gouvernance consiste en la participation de tous les acteurs (citoyens, entreprises, associations, élus…) au processus de décision ; elle est de ce fait une forme de démocratie participative. Le développement durable n'est pas un état statique d'harmonie, mais un processus de transformation dans lequel l'exploitation des ressources naturelles, le choix des investissements, l'orientation des changements techniques et institutionnels sont rendus cohérents avec l'avenir comme avec les besoins du présent.
Afin de subvenir aux besoins actuels sans pour autant recourir à une utilisation non durable de ressources non renouvelables, un scénario en trois points a été proposé, notamment par des associations comme négawatt dans le domaine de l'énergie :
- sobriété (techniques utilisées avec parcimonie) ;
- efficacité (techniques plus performantes) ;
- utilisation de ressources renouvelables (par exemple : l'énergie solaire ou les éoliennes, au travers de projets d'électrification rurale).
Le patrimoine culturel ne doit pas être oublié : transmis de génération en génération et faisant preuve d'une grande diversité, l'UNESCO en souhaite la préservation. La culture au sens large (ou l'environnement culturel) s'impose d'ailleurs peu à peu comme un quatrième pilier du développement durable.
Un modèle économique en question
Il existe une relation équivoque entre l'économie et l'environnement. Les économistes voient l'environnement comme une partie de l'économie, alors que les écologues voient plutôt l'économie comme une partie de l'environnement. Selon Lester R. Brown, il s'agit d'un signe qu'un changement de paradigme est à l'œuvre. L'hypothèse de Michael Porter, selon laquelle les investissements des entreprises pour la protection de l'environnement, loin d'être une contrainte et un coût, peuvent apporter des bénéfices par un changement des modes de production et une meilleure productivité, est encore discutée par les experts.
Ce qui est en question, c'est le rôle du progrès technique dans le développement économique par rapport aux problèmes environnementaux (mais aussi sociaux), comme le soulignait le philosophe Hans Jonas dès 1979 dans Le Principe Responsabilité. Depuis les chocs pétroliers de 1973 et 1979, ainsi que dans la succession des crises économiques et le tassement de la croissance économique observés depuis les années 1970, le modèle du capitalisme productiviste dans lequel les pays occidentaux se sont lancés au cours du XXe siècle semble être en crise. L'économiste Bernard Perret s'interroge sur la question de savoir si le capitalisme est durable.
Les modèles qui décrivaient l'accroissement de la productivité des facteurs de production atteignent leurs limites. Alors que les physiocrates considéraient la terre comme le principal facteur créateur de valeur, l'école classique et l'école néoclassique n'ont retenu que les deux facteurs de production capital et travail, négligeant le facteur terre (l'environnement). Certes, dans certains courants néoclassiques, comme le modèle de Solow, la productivité globale des facteurs correspond à une augmentation de la productivité qui n'est pas due aux facteurs de production capital et travail, mais au progrès technique. Encore faut-il que celui-ci respecte les contraintes environnementales.
Il faut encore souligner qu'à mesure que les améliorations techniques augmentent l'efficacité avec laquelle une ressource est employée, la consommation totale de cette ressource peut augmenter au lieu de diminuer. Ce paradoxe, connu sous le nom d'effet rebond, ou paradoxe de Jevons, a été vérifié pour la consommation de carburant des véhicules automobiles.
Il semble que les problèmes environnementaux que nous rencontrons soient dus au fait que le facteur de production terre n'a pas été suffisamment pris en compte dans les approches économiques récentes, notamment classique et néoclassique. Un modèle de développement qui permet de concilier progrès technique, productivité, et respect de l'environnement est donc à repenser.
Une révision des modèles économiques est en train de s'amorcer, comme le montrent par exemple les travaux du cercle de réflexion Les Ateliers de la Terre.
Différentes approches de la notion de durabilité
Si les objectifs du développement durable font l'objet d'un relatif consensus, c'est son application qui demeure source d'oppositions. L'une des questions posées par le terme de « développement durable » est de savoir ce que l'on entend par « durable ». Or, la nature peut être vue de deux manières, complémentaires : il existe d'une part un « capital naturel », non-renouvelable à l'échelle humaine (la biodiversité par exemple), et d'autre part des « ressources renouvelables » (comme le bois, l'eau…). Cette distinction étant faite, deux conceptions sur la durabilité vont s'opposer.
La première réponse à la question du développement durable est de type technico-économiste : à chaque problème environnemental correspondrait une solution technique, solution disponible uniquement dans un monde économiquement prospère. Dans cette approche, aussi appelée « durabilité faible », le pilier économique occupe une place centrale et reste prépondérant, à tel point que le développement durable est parfois rebaptisé « croissance durable ». C'est ainsi que dans la revue de l'École polytechnique, Jacques Bourdillon exhorte les jeunes ingénieurs à : « ne pas renoncer à la croissance […] dont l'humanité a le plus grand besoin, même sous prétexte de soutenabilité». L'une des réponses apportées du point de vue technologique consiste à rechercher la meilleure technique disponible (MTD, en anglais best available technology, BAT) pour un besoin identifié, ou des attentes exprimées par un marché, qui concile les trois piliers du développement durable d'une façon transversale.
Ce discours est légitimé par la théorie économique néoclassique. En effet, Robert Solow et John Hartwick supposent le caractère substituable total du capital naturel en capital artificiel : si l'utilisation de ressources non-renouvelables conduit à la création d'un capital artificiel transmissible de génération en génération, elle peut être considérée comme légitime.
Certains acteurs, et notamment de nombreuses organisations non gouvernementales ou associations environnementales, ont un point de vue tout à fait opposé à l'approche technico-économiste : pour eux, « la sphère des activités économiques est incluse dans la sphère des activités humaines, elle-même incluse dans la biosphère » : le "capital naturel" n'est dès lors pas substituable. Afin d'insister sur les contraintes de la biosphère, les tenants de cette approche préfèrent utiliser le terme de « développement soutenable » (traduction littérale de sustainable development).
Les économistes systémiques légitiment cette approche : plutôt que de se concentrer sur l'aspect purement économique des choses, ceux-ci souhaitent avoir une vision « systémique [qui] englobe la totalité des éléments du système étudié, ainsi que leurs interactions et leurs interdépendances». On peut citer Joël de Rosnay, E.F. Schumacher ou encore Nicholas Georgescu-Roegen.
Ces deux approches opposées ne sont bien entendu pas les seules : de nombreuses autres approches intermédiaires tentent de concilier vision technico-économiste et environnementaliste, à commencer par les acteurs publics. On pourra voir à ce sujet la typologie dressée par Aurélien Boutaud.
Toutefois, une approche nouvelle, alternative est reconnue par le monde académique ; celle de la valorisation du social (l'aspect environnemental étant mécaniquement valorisé, par effet de "ricochet"). Il s'agit du Développement Socialement Durable, DSD. Une telle approche demande à ce qu'un principe de précaution social (voir un principe de responsabilité) soit admis. Les priorités du DSD se focalisent sur la réduction des vulnérabilités des personnes en raison de modifications dans la structure des capacités (cf. les Capabilities Approach d'Amartya Sen). De façon plus globale, le DSD donne la priorité à l'équité intergénérationnelle (niveaux, conditions, qualité de vie...) par rapport à l'équité intragénérationnelle. Il n'y a pas d'antinomie entre les deux versions de la durabilité (écologique versus sociale). La dimension sociale du développement insiste sur le fait que la protection de la Nature ne doit pas se réalisée au détriment du bien être (de la population vivant au contact directe avec celle-ci).
Derniers commentaires
le résumé est bien mais ça manque de détails de la bibliographie, date de l'article et du nom l'écrivain de cet article.
Clairement claire, j'ai apprécié
Le résumé est très bien fait.courge!
Le résumé est bien fait.